Salut Daniel,
Permets-moi de te dire mon ressenti pour répondre à ton message : je le trouve profondément injuste et blessant, pour moi (mais ça, ce n'est pas important), mais surtout pour les personnes de la communauté (francophone, mais pas seulement) qui prennent de leur temps, qui s'investissent gratuitement et avec une bienveillance ô combien louable pour aider tous les utilisateurs, sans espérer rien d'autre qu'un simple remerciement. Tu m'excuseras donc mes propos peut-être un peu vifs.
Tu as manifesté à plusieurs reprises ton opinion que l'on (qui donc ?) orientait Moodle dans une direction qui ne te satisfait pas, sous-entendant notre désintérêt ou même notre mépris pour les plus démunis. Je me suis jusqu'aujourd'hui abstenu de répondre. Comme tu le sais, j'ai une autre analyse de la situation. Je suis convaincu que cela n'a rien à voir avec Moodle. Qu'on le veuille ou non, que ça nous plaise ou non, la technologie évolue, et la complexité d'administration de Moodle en est une conséquence.
Dans la suite de ce message, mon propos n'est pas de juger (toi ou quiconque), mais bien de tenter modestement d'analyser ce qui se passe. Ensuite, libre à chacun de choisir sa voie. Les différences (d'opinion mais aussi d'origine) sont bienvenues, car elles nous enrichissent. En revanche, à mon humble avis, le sectarisme (de tous bords : laïque, religieux, libertaire, de gauche, de droite, etc.) et les jugements à l'emporte-pièce ne peuvent apporter rien de vraiment constructif, comme le démontre malheureusement notre actualité.
(Attention la suite de ce message est longue. Que l'on veuille bien m'en excuser.)
Le monde évolue, et avec lui l'informatique. Pour assurer la sécurité et la simplicité de leur utilisation, les plateformes et outils informatiques sont devenus complexes à administrer. Le travail d'administration est un métier (administrateur système) et les pionniers et/ou bricoleurs (dans lesquels je me classe) sont dépassés. C'est la vie… Ce ne sera pas la première fois qu'une activité disparaît et qu'il faut évoluer : où sont passés les maréchaux-ferrants, cochers et autres charrons ?
Préambule
Il y a à peu près un siècle, au début des années 1920, les voitures n’étaient pas fiables. Pour conduire une automobile, à moins d'être un professionnel (un « chauffeur »), il fallait être passionné et apprendre des notions de mécanique, afin de résoudre les nombreuses pannes qui survenaient ça et là, parfois en rase campagne : nettoyer le carburateur encrassé, souffler dans les gicleurs bouchés, injecter du carburant dans la pompe pour l'amorcer, nettoyer les bougies. Il fallait être passionné pour accepter les risques élevés d'accident. De nos jours, on appellerait ces passionnés des geeks. Les autres personnes étaient larguées et n'avaient pas accès à la conduite.
Peu à peu, la mécanique des voitures est devenue plus complexe, afin d’en augmenter la fiabilité et d’éviter de telles interventions manuelles ; afin de permettre à Monsieur et Madame Tout-le-monde d'utiliser une voiture. La conduite n'était plus l'apanage de la caste des pionniers. Peu à peu, la complexité a encore crû, par la nécessité d'une bonne sécurité et pour le confort des conducteurs et passagers.
Aujourd'hui, même les passionnés de la voiture — ceux faisaient tout tout seuls dans leur voiture — ne sont plus toujours capables d'intervenir sous le capot de leur véhicule, ne sont plus satisfaits. L'intervention d'un professionnel de la branche est devenue nécessaire. En contrepartie, le commun des mortels a accès à un outil formidable, confortable et sûr (indépendamment des questions écologiques, hors sujet dans ce propos).
Dans le domaine de l'informatique, nous en sommes maintenant à ce tournant. Certains des lecteurs de ce forum ont été des pionniers de l'informatique dans le domaine de l’école. Ce sont des passionnés, des geeks. Ils ont appris — souvent sur le tas — les notions d'informatique leur permettant de dépanner tout seuls leurs ordinateurs et logiciels et de gérer leur plateforme de façon autonome.
Mais tout est devenu de plus un plus complexe, afin que les outils deviennent accessibles au plus grand nombre (sûr que Moodle peut encore faire mieux ici ) et plus sûrs ; et peu à peu, nous, les pionniers, perdons la maîtrise de ces outils, et n'arrivons plus à comprendre ce qui se passe sous le capot. Certains y voient une nouvelle caste. J'y vois pour ma part une amélioration pour les utilisateurs finals, auxquels nous devons penser avant tout ; et je rêve du jour où des ordinateurs seront aussi simples à utiliser qu'une voiture d'aujourd'hui.
Et alors ?
Afin de rendre plus simples et plus sûrs pour les utilisateurs finals les divers instruments informatiques (plateformes, logiciels, matériel, réseau), le moteur de ces instruments est devenu de plus en plus complexe, et un minimum de connaissances professionnelles est devenu indispensable pour intervenir sous le capot, par exemple pour effectuer l'installation, la mise à jour et l'ajustement des performances d'une plateforme. Il existe un métier, celui d’administrateur système, dont c'est le quotidien d'effectuer ces tâches.
Certains outils (comme Softaculous) tentent de prendre en main ces aspects plus techniques, afin de fournir une installation et des mises à jour aussi simples que possible à ceux qui le désirent, et, pour reprendre tes termes dans un autre discussion, qui « ne veulent pas s'embarrasser de tout cela.» Le problème est que ceci est une illusion. Softaculous et ses semblables permettent de gérer des plateformes, mais de façon minimale et très imparfaite. Ils donnent l'illusion que le métier d'administrateur système est inutile. C'est faux. J'en veux pour preuve les très nombreux problèmes et grosses frustrations des utilisateurs qui utilisent ces outils, pensant que tout cette complexité peut être totalement évitée et qu'il est possible de ne pas « s'embarrasser de tout cela.» Eh bien non, ce n'est plus possible (à moins de se contenter d'une plateforme totalement standard).
Certes on peut regretter cette évolution et le temps où les plateformes étaient plus simples à entretenir, où il était envisageable pour un pionnier de s'en sortir à peu près et tout seul. La complexité met en effet en péril le gagne-pain d'indépendants ou uniques employés d'une petite entreprise, peu à peu contraints soit à sous-traiter cette tâche d'administrateur système, soit à se former à ces tâches. On peut aussi regretter le temps où l'on comprenait à peu près comment fonctionnait sa voiture, mais où l'on devait de temps à autre souffler dans le gicleur pour le déboucher. Pour ma part, je ne regrette pas ce temps-là. Car désormais les grands gagnants de cette évolution sont les utilisateurs, pour qui les plateformes — comme les voitures — deviennent plus sûres face aux menaces de tous bords, mais surtout de plus en plus simples à utiliser.
Pardon encore pour ma franchise. Je me réjouis d'argumenter avec toi à ce sujet et aussi de te voir participer à cet effort communautaire de documentation pour le plus grand bien de la communauté — car je sais que c'est ce qui te tient à cœur — et que la petite courbe d'apprentissage de l'utilisation du wiki ne te découragera pas.
Avec mon amitié,
Nicolas